Texte original de Nagao Susumu (Professeur de la Meiji University), publié en Janvier 2011 sur Kendo Nippon, traduit en anglais par Kendo World sous le titre « When did kirikaeshi become part of kendo practice ? Why are there « four diagonal strikes going forward and five going backward ? » 

Source : https://budo-world.taiiku.tsukuba.ac.jp/en/2017/02/11/%E5%88%87%E3%82%8A%E8%BF%94%E3%81%97/

Traduit de l’anglais par : Roland Haroutiounian

Quand est-ce que le kirikaeshi a été intégré dans l’entraînement au kendo ? Pourquoi y a-t-il 4 frappes diagonales en avançant et 5 en reculant ?

Le kirikaeshi et le kakari-geiko trouvent leur origine dans une méthode d’entraînement du Hokushin Ittō-ryū appelée « uchikomi« . Dans le Chiba Shūsaku Sensei Jikiden Kenjutsu Meijin-hō (1884), on trouve le passage suivant : 

L’Uchikomi n’est pas quelque chose de très populaire dans les autres écoles. Si vous souhaitez faire progresser vos techniques de kenjutsu, vous ne pourrez y arriver sans pratiquer l’uchikomi. Ainsi, les débutants de notre école n’étaient pas autorisés à participer à des combats. Ils se contentaient de pratiquer l’uchikomi pendant plus d’une année … En ce qui concerne cette méthode d’entraînement, vous pouvez grandement vous améliorer en frappant avec puissance le men de votre adversaire dans des séquences rapides à la fois à gauche et à droite, ou en frappant le centre du men, ou en frappant son dō à gauche comme à droite.

Il continue par : « Le motodachi ne peut se contenter de rester là à recevoir le kirikaeshi. Il doit chercher une opportunité d’attaque en réponse sur le kote ou le men de l’adversaire, afin que les deux partenaires soient déterminés à s’attaquer. » A partir de là, on peut admettre que l’uchikomi était une méthode d’entraînement intégrée et disciplinée, proche d’une combinaison du kirikaeshi et du kakari-geiko. Si c’était le cas, cela devait être extrêmement sévère et atroce. 

La forme la plus commune de kirikaeshi est constituée d’une première frappe au centre du men, puis de 4 attaques vers l’avant à gauche et à droite du men (en commençant par la gauche du partenaire), et enfin 5 attaques à gauche et à droite du men en reculant. Après la dernière attaque, l’attaquant continue de reculer pour se positionner à la bonne distance (maai), puis se lance pour frapper le men au centre, recommence la même séquence puis frappe une dernière fois au centre du men pour terminer. Comme décrit dans Kendō Shidō Yōryō and Kendō Kōshūkai Shiryō, toutefois, cette méthode n’est qu’une ligne directrice pour les débutants. Il est mentionné que les pratiquants devraient être créatifs quand ils pratiquent le kirikaeshi, en fonction de leur niveau, en augmentant le nombre d’attaques en diagonales jusqu’au point où on n’a plus de souffle, en ajoutant des taiatari, etc …

Dans Kendō (1915), Takano Sasaburō écrit « Vous devriez toujours pratiquer le kirikaeshi, » et offre l’explication suivante pour décrire quels effets on peut obtenir de cette pratique : 

« Le Kirikaeshi est une méthode essentielle pour apprendre le kendo. Vous allez devenir agile dans vos déplacements vers l’avant, l’arrière, la gauche ou la droite, votre corps et vos membres vont de venir plus puissants, votre mouvement sans hésitation, et votre capacité respiratoire va s’améliorer. Vos attaques vont devenir plus précises et spontanées, la force physique et mentale vont devenir unifiées, la force superflue sera supprimée, et les personnes ayant moins de force vont devenir plus fortes. Les puissances de vos côtés gauche et droit vont s’équilibrer. Ainsi, les attaques du côté ura et omote vont devenir uniformes. Vous serez capables d’exécuter des techniques à la vitesse de l’éclair, et vous améliorerez votre endurance et votre courage. »

De plus, sur la manière de pratiquer le kirikaeshi, il écrit : 

« Frapper rapidement les men vers l’avant et vers l’arrière, vous exerçant avec vigueur sur chaque attaque jusqu’à ce que vous soyez à bout de souffle sans vous arrêter. Les attaques devraient être de grande amplitude et rapides, vos bras et vos jambes coordonnées, et votre esprit et votre mental synchronisés pour frapper avec force. Quand vos bras se fatiguent ou quand vous êtes à bout de souffle, soulevez vos bras au dessus de vôtre tête et étirez-les vers l’avant, déplacez vos pieds en avant et frappez suffisamment de fois en criant « men! ». Alors, vous serez autorisés à vous reposer. »

Cela signifie qu’à l’origine, le kirikaeshi n’était pas un exercice qui avait une limite dans le nombre d’attaques qui étaient réalisées. Ce qui comptait plus que tout était de frapper avec vigueur avec l’esprit et le mental synchronisés jusqu’à ce que les bras se fatiguent et que l’on soit à bout de souffle. Ce n’est qu’à ce moment qu’il est possible de développer des capacités fondamentales qui vont aider le pratiquant à gérer la dureté de l’entraînement.

Toutefois, étant donné que le budo (incluant le kendo) a été introduit comme matière dans l’éducation scolaire ou militaire dans les temps modernes, les gens ont commencé à fixer des limites au nombre de frappes dans le kirikaeshi pour entraîner les débutants. Dans Budō Kyōhan (1895) de Kumamoto Jitsudō, le kirikaeshi est mentionné dans la section « Kiso Enshū Dai-ikkyō; Uchikomi ». Il y est décrit que le men  devrait être frappé à gauche et à droite 7 fois en avançant jusqu’à la 7e frappe qui est faite sur la gauche du men (pas en okuri-ashi mais en ayumi-ashi), puis on fait un grand pas en arrière pour la dernière frappe. Il y est inscrit également une série d’instructions détaillées concernant la manière dont ukete devrait recevoir les frappes. Peut-être que le kirikaeshi actuel avec son nombre d’attaques fut codifié à partir de cette méthode d’entraînement, qui a été développée pour les débutants. 

Au passage, Takano Sasaburō a présenté l’alternative rapide dans son livre Kendō. A propos du type de kirikaeshi qu’il a pratiqué dans sa jeunesse, il écrit : 

« Le Kirikaeshi dans notre école (Ittō-ryū Nakanishi-ha) n’était pas du type de celui où l’on frappe alternativement à gauche et à droite. Au lieu de cela, on frappait le même côté un certain nombre de fois, puis l’autre côté. On utilisait un sabre en bois sans revêtir le men. J’aurais pû pratiquer le style actuel de kirikaeshi même avec les yeux fermés. Toutefois, si vous souhaitez faire 3 attaques sur un côté et 4 sur l’autre, vous devez faire très attention ou cela pourrait se terminer par une blessure. » (Budō Hōkan, 1934)

Ce type de méthode d’entraînement utilisant un sabre en bois pourrait être difficile à mettre en place de nos jours. Toutefois en considérant la signification du kirikaeshi, qui veut « affiner les techniques de frappe en avançant et en reculant », ou entraîner les pratiquants (incluant le motodachi) à être mentalement préparés comme s’ils combattaient « au sabre réel », peut-être que ce type de méthode d’entraînement mérite d’être reconsidéré.