Entretien de MIGITA Shigeaki sensei, Kendo Kyoshi 8e dan, sur le thème du seme, suivi de réflexions personnelles de l’interviewer sur les notions abordées.

Propos recueillis et traduits en anglais par Tóth Balázs, Kendo 5e dan, membre de l’équipe nationale de Hongrie, dans le numéro d’Avril 2018 de Heihó Magazin, et auteur du site Kendó kultúra : https://kendo-kultura.hu/en/

Traduit de l’anglais par Roland Haroutiounian

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Le seme efficace

MIGITA Shigeaki, Kendo Kyoshi 8e dan, est directeur adjoint du club de Kendo de l’Université Kokushikan à Tokyo, au Japon. Son palmarès inclut 3 titres de champion lors de la coupe du Japon des Enseignants et une troisième place lors du tournoi des 8e dan.

Chaque année, il voyage à l’étranger pour accompagner des étudiants, dans le cadre du programme d’échange de l’université.

Tóth Balázs (TB) : Quelle est selon vous la différence la plus significative entre le kendo japonais et le kendo pratiqué hors du Japon ?

Migita Shigeaki (MS) : Mon opinion est que les kendokas hongrois n’ont pas encore une vision claire du véritable kendo. Pour être plus précis, c’est la capacité à conquérir et à défendre le centre qui manque. L’enthousiasme, la façon de pratiquer, en donnant tout ce que l’on a, est exemplaire, mais même si le shinai est tenu au centre, il est évident que la pointe du sabre n’est pas vivante, et ainsi n’impose aucune menace. Une fois qu’ils ressentiront et apprendront à trouver et dominer le centre, alors ils pourront réaliser des progrès considérables. Cette différence peut s’observer dans la plupart des pays en dehors du Japon. Leur kendo s’approche du kendo japonais, mais s’ils mettaient l’accent sur ce que je viens d’énoncer ils pourraient faire un pas de géant en avant.

TB : On peut souvent entendre parler de l’importance du jeu de jambes et du tanden en kendo. Migita sensei, quelle est votre opinion sur le sujet ?

MS : Fondamentalement, le tanden est la source de la puissance. Si nous sommes capable de rassembler autant de puissance que possible dans le tanden, et de le maintenir à cet endroit par un contrôle fort, on peut maximiser nos actions. Dans le cas contraire, notre technique, nos coupes vont manquer de dynamisme et de vigueur. Le tanden est un facteur très important et il est donc primordial que tous le travaillent sérieusement.

Le jeu de jambes est le premier élément dans la manière dont nous interagissons avec l’adversaire (maai – distance et timing), et bien sûr il est l’outil principal de l’attaque.

On peut distinguer la distance à partir de laquelle on peut couper l’adversaire, et la distance à partir de laquelle l’adversaire peut nous couper. Notre but est de bouger nos jambes de manière à ce que l’adversaire soit proche de nous mais que nous soyons loin de lui. Ainsi, on peut l’atteindre mais il ne peut nous atteindre. Quand l’adversaire lance une attaque et que nous sommes toujours en train de chercher les appuis, on est certain de subir une frappe. Mais si on change la distance au bon moment par un simple déplacement même réduit, il ne pourra nous atteindre. Cette capacité est très importante et on la développe par sa propre expérience du combat.

Le jeu de jambes peut être divisé en catégories, comme le déplacement en avant et en arrière (zengo no ashisabaki), le déplacement sur la gauche et la droite (sayuu no ashisabaki), le déplacement en diagonale à droite en avant et en arrière (migi naname mae-ushiro), le déplacement en diagonale à gauche en avant et en arrière (hidari naname mae ushiro). Ils doivent être étudiés avec attention pour acquérir la capacité à trouver la bonne distance à chaque fois – dans laquelle on peut couper sans être coupé.

Dans le Kendo on dit toujours que l’on doit couper avec les jambes. Si la préparation par les jambes n’est pas correcte, alors la technique (waza) ne pourra pas réussir. Une technique correcte ne peut pas être réussie par le haut du corps uniquement. Les membres inférieurs doivent être fortement entraînés, car si l’attaque n’est pas initiée par eux, elle ne réussira pas. J’aimerais que tous gardent cela en mémoire !

TB : Comment rendre le seme efficace ?

MS : Je remarque souvent l’existence de ce malentendu chez beaucoup de personnes qui pensent que le seme ne désigne que le fait d’avancer dans la distance nécessaire à la frappe et que donc il suffit de s’approcher de l’adversaire. Ce n’est pas correct. Selon moi, le seme correspond au moment où l’on réalise l’état shin-ki-ryoku (l’union de l’esprit, du ki et de la force) et que l’on domine le centre. C’est à cet instant précis que l’adversaire va sentir que l’on a réalisé le seme. Réciproquement, si l’on se sent menacé, pouvant se faire attaqué à tout moment, alors le seme qui nous est imposé est efficace. Le seul fait de s’approcher de l’adversaire, sans but et sans effet sur l’autre, n’est pas un seme, c’est un simple pas en avant.

La question est donc : comment s’approcher, se déplacer dans le but de menacer l’adversaire ? Pour faire cela, on doit trouver la ligne de centre de l’aversaire, la conquérir et la dominer rapidement, par tous les moyens. Quand on gagne le centre, on a l’opportunité d’une attaque et l’on se doit de la saisir. Naturellement, cela demande beaucoup de courage, car la moindre erreur peut renverser la situation et l’on peut se retrouver attaqué. Il n’y a donc pas d’alternative possible. Nous nous devons de nous engager pleinement dans la situation, ce qui est un travail mental fort et sérieux.

TB : Quelle est la relation entre un seme efficace et le jeu de jambes ?

MS : Le seme est efficace si l’on peut briser le kamae (présence, disponibilité) de l’adversaire. Si l’on se contente d’avancer, on n’a pas forcément atteint ce but. Si l’on peut agir avant l’intention de l’adversaire, et atteindre une position avantageuse, il va certainement vasciller. A ce moment on va être capable de réaliser une technique véritable, et l’on se devra d’attaquer.

TB : Quelle serait selon vous une bonne méthode pour s’entraîner à réaliser le seme ?

MS : C’est une question difficile. Je pense que la meilleure manière est de combattre des maîtres de haut niveau autant que possible, et d’apprendre en expérimentant leur seme. Durant les combats avec les maîtres 8e dan, il est courant que l’on ressente la crainte engendrée par leur seme efficace. Il est nécessaire dans un premier temps d’expérimenter cette sensation même si la seule compréhension mentale n’est pas suffisante.

Le seme est une chose que l’on va apprendre à travers son corps, comme toute capacité physique. Quand on ressent la peur devant les attaques des maîtres, alors on est certainement en train d’apprendre par notre corps, et l’on se doit d’emmagasiner le plus possible ces expériences. On ne le sentira peut être pas au début mais au fil du temps, tout cela va renforcer notre kendo. Il n’est pas vraiment possible d’expliquer avec des mots la manière dont on doit utiliser le seme, mais on doit se fier aux sensations physiques, en l’expérimentant le plus possible.

TB : Migita sensei, sur quel aspect vous concentrez-vous le plus dans votre kendo ?

MS : Principalement sur l’observation de l’adversaire. J’observe sa manière de bouger. Cela révèle le moment et la manière où il faut attaquer. Si on se focalise sur sa propre manière de bouger, son propre seme, sans se préoccuper de l’adversaire, on va subir une attaque inattendue. Naturellement, il faut un oeil entraîné pour être capable de bien observer les mouvements et techniques de l’adversaire, ainsi que de l’attention et de la souplesse, car ce n’est réalisable qu’à une distance de sécurité. Il est donc essentiel d’avoir un mouvement continu.

Si j’essaie de découvrir l’autre à une distance de laquelle il peut attaquer, je serai certainement coupé. Quelle que soit la technique utilisée, kote ou men, on doit être capable de la contrôler à partir d’une distance de sécurité, et pour ce faire, on doit faire face avec vigueur.

Une fois que j’ai une vision claire des mouvements caractéristiques de mon adversaire, j’initie le seme, et j’essaie de casser sa défense. Mais avant cela, je porte une attention particulière sur la compréhension de l’autre. Si l’on s’entraîne ou que l’on pratique sans faire cela, non seulement on sera coupé, mais on ne saura pas pourquoi cela est arrivé à ce moment précis.

Il y a tellement de types de kendokas différents que l’on ne peut pas se permettre de pratiquer avec eux sans attention. La technique de l’adversaire, le timing et la manière de frapper sont autant de choses que l’on doit observer et considérer avant d’envisager d’attaquer.

Il existe un vieux dicton qui dit : “Connais ton ennemi, et alors tu seras capable de te battre !”.

Au Japon, on enseigne aux élèves à se préparer en écoutant et apprenant sur l’adversaire durant le kamae, et seulement ensuite à initier le seme.

Il est donc évident que c’est le point sur lequel je porte une attention particulière dans mon kendo.

Lorsque je suis dans le kamae, je rassemble les informations sur mon adversaire, sur sa distance d’attaque, et une fois que je connais cela, en plus d’autres caractéristiques, je peux commencer à attaquer.

A partir du kamae, je m’approche légèrement, et je surveille la réaction. La plupart du temps, je peux deviner ce à quoi l’adversaire s’attend et ce que sont ces intentions. Par exemple, on doit connaître la distance à laquelle on provoque sa réaction.

Donc, une bonne observation et du courage sont très importants pour être capable de frapper avec le bon timing et le sutemi (sans peur des conséquences). Ce sont les instants où lancer une attaque est obligatoire. Il y a aussi des moments où il devient difficile d’être patient et où l’on ressent une urgence à attaquer mais où il ne faut pas encore initier l’attaque. Par exemple, quand l’adversaire attend et que l’on frappe men après avoir mal évalué la situation, on entendra sûrement un fort claquement sur le kote.

Je ne pourrai jamais assez le souligner : observez minutieusement votre adversaire ! S’attend-il à ce que l’on frappe le men, ou peut-être veut-il exécuter un kaeshi do ? Si on lance une attaque en ne se préoccupant que de soi-même, on subira un kote ou un do. C’est la raison pour laquelle on doit fermement faire face à l’adversaire ! Si l’on peut faire ça, si l’on est capable d’interioriser ce genre de technique, on sera victorieux.

Je pense que le kendo hongrois a fait beaucoup de progrès, et si ces éléments tactiques sont encore plus intégrés, alors un pas de géant est à venir !

TB : Merci beaucoup pour cette interview !


Réflexions suite à l’interview

1- A propos de la ligne du centre

Trouver la ligne du centre est un prérequis fondamental pour tout combat efficace et couronné de succès dans le kendo. Ujiie Michio hanshi, professeur en chef du club de kendo de l’Université Kokushikan, explique ceci de la manière suivante (Kendo Jidai Magazine, Septembre 2017) :

Quand des parties du corps sensibles et vulnérables telles que la gorge, le torse, le nombril, etc … sont menacées, cela est assez désagréable, et va engendrer un mécanisme instinctif de défense … Afin de dominer la ligne du milieu durant le combat, j’ai tendance à me focaliser principalement sur la main gauche. Pendant que je m’approche de l’adversaire, je m’efforce à garder la position de ma main gauche. Parfois au moment de l’attaque on peut prendre l’avantage entièrement par la force du ki, mais parfois l’équilibre des forces ne se brise pas. Quand on pratique avec des maîtres de haut niveau, il n’y a pas à hésiter. On se doit d’attaquer droit dans l’axe, quand une opportunité se présente, en n’ayant aucune peur d’être frappé. 

Je m’efforce d’attaquer en ayant pris l’initiative, pour prendre le contrôle du combat, avec souplesse contre un adversaire physiquement fort et fortement contre un adversaire physiquement plus faible. Toutefois, étant donné que l’adversaire va attaquer suivant une stratégie similaire, le seul fait d’avancer en conservant le kamae ne va probablement pas avoir un effet significatif sur lui. Par exemple, quand l’adversaire attaque la gorge par dessus en se servant de la pointe du sabre, j’attaque son nombril ou son estomac avec la pointe de mon sabre, et je ne le laisse pas prendre l’avantage.

Quand les mouvements de nos shinais sont dirigés par la main gauche, nos attaques deviennent naturellement correctes et valides. Par contre, si la main droite est dominante durant la levée et la frappe, le shinai va quitter le centre, et le seme ne sera pas efficace. 

Je pense que le seme est créé par la pointe du sabre au centre, en menaçant le centre, en conquérant le centre. Quand les enjeux sont élevés dans une compétition réelle, il n’y a pas de temps pour se focaliser sur cela, il faut donc acquérir et développer cette capacité pendant le jigeiko. En faisant cela, on sera capable, dans une situation réelle, de l’accomplir sans y penser. 

Alors, comment agir ? Malheureusement, la réponse est très difficile à exprimer avec des mots. 

Nous ne sommes pas dans l’erreur si l’on commence par la notion selon laquelle le seme est une technique réalisée dans la conquête et la domination du centre. Selon un enseignement: la technique n’est pas “seme et frappe” (semete utsu), mais l’accomplissement des deux ensemble (semeutsu). Parce que semete utsu a un rythme qui peut offrir à l’adversaire une opportunité dangereuse en réaction.”

Comme on peut le voir, la ligne du centre n’est pas une ligne statique mais une ligne qui change continuellement en fonction des adversaires et du contexte. Pour la trouver, il nous faut connaître les réactions et les mouvements de l’adversaire, tout en ne les laissant pas nous menacer, en gardant notre propre rythme naturel intact.

Durant le seme, il est extrêmement important d’être capable de mettre en place le kamae et le jeu de jambes qui vont nous permettre de lancer une attaque directe au bon moment.

L’un des objectifs pour le jeu de jambes est cette préparation. Quand ce n’est pas le cas, nous ne devons pas nous placer dans des situations dangeureuses, car notre timing ne serait pas correct. Un semeashi (seme par le déplacement) efficace est le type de jeu de jambes qui, après avoir permi la création d’une opportunité d’attaque, se prolonge en fumikomiashi et finalise ainsi la frappe.

2- Tanden ou Shitahara

C’est le centre de la vitalité et de la force vitale de l’être humain. Selon des écrits chinois anciens sur le Taoïsme, le “ki” réside dans le tanden inférieur, qui se trouve approximativement 5 centimètres sous le nombril.

Il joue un rôle important dans la connaissance du corps au Japon, et de fait dans le kendo également. Il peut être renforcé par la pratique régulière qui va rendre le mouvement naturel.

En apprenant à utiliser le tanden correctement, le pratiquant va être capable d’utiliser la quantité exacte d’énergie nécessaire sur des parties spécifiques du corps. D’un côté, cela va rendre le mouvement plus précis et vif. D’un autre côté, l’efficacité va augmenter, et donc le pratiquant pourra par la suite exécuter le même mouvement en utilisant moins d’énergie.

Selon moi, un des secrets de la puissance incroyable des senseis les plus âgés réside dans leur grande maîtrise du tanden.

3- Jeu de jambes

Dans l’interview, Migita sensei mentionne le déplacement le plus fondamental, qui est okuriashi. Il peut être pratiqué vers l’avant, vers l’arrière, sur les côtés et en diagonale également. Le pied qui est dans la direction du mouvement va toujours se déplacer en premier. L’autre pied revient ensuite pour se positionner dans la même position qu’au départ.

En plus d’okuriashi, il y a hirakiashitsugiashi et fumikomiashi.

  • Ayumiashi : marche naturelle.
  • Hirakiashi : déplacement sur le côté avec une rotation à 45°
  • Tsugiashi : similaire à okuriashi, mais la jambe arrière doit se rapprocher de la jambe avant pour démarrer le déplacement.
  • Fumikomiashi : déplacement avec frappe au sol utilisé pour une frappe énergique
4- Shin Ki Ryoku Icchi ⼼気⼒⼀致

L’unité de l’esprit, du ki et de la force.

Personnellement, je l’identifie avec la sensation d’une attention non-éparpillée et la capacité à faire face à l’ennemi de manière harmonieuse, avec la pleine puissance et une bonne sensation. La sensation d’un kamae complet, dans lequel apparaît le potentiel d’une attaque réussie. Un kiai long et puissant peut être d’une grande aide pour obtenir ce résultat.

Selon maître Komorizono (professeur fondateur de l’université internationale du Budo) :

L’essence du shin ki ryoku icchi peut se résumer de la manière suivante : 

Shin ⼼ (coeur, esprit) : l’aspect statique de l’activité intellectuelle. Perception et compréhension, prudence et méfiance, processus de prise de décision. 

Ki  気 (énergie, attitude) : l’aspect dynamique de l’activité intellectuelle. La vitalité qui matérialise la détermination et la volonté, suite à la prise de décision. 

Ryoku ⼒ (force, compétence) : la compétence qui découle de l’accumulation de l’entraînement (keiko). La force physique qui imprègne jusqu’à la pointe du sabre et effectue la technique, du début à la fin. 

Donc, la combinaison et l’interconnexion des fonctions de
[shin⼼] → [ki気] → [ryoku⼒] est un état intensifié de disponibilité et de préparation qui va conduire au yuukou datotsu (frappe valide). 

Il est très important durant le tachiai de ne pas planifier une attaque à l’avance, mais d’essayer de saisir les opportunités et d’être capable de prendre avantage de celles-ci. 

L’intégration de shin ki ryoku icchi est un élément indispensable de victoire. Son processus est très similaire au moment où l’eau (shin) ondule sous l’effet du vent (ki) et où des vagues (ryoku) sont créées.

Références :  Ooya Minoru : Kendo men ippon ! Kendo teachings of Kmorizono Masao, P.E. and Sports Press, Tokyo, 2004, pp. 61-62.

5- Apprendre du seme du maître

« Votre coeur ne doit changer ni durant les jours de la semaine ni dans la voie de la stratégie ! Soyez ouverts et simples ! Ne soyez pas contraints mais ne vous relâchez pas ! Soyez toujours dans le centre! « , 

Miyamoto Musashi.

Le kendo est une tradition vivante, qui s’est transmise de génération en génération par le biais de la pratique. Suivant la conception japonaise, le kendo peut être appris et pratiqué seulement avec un esprit pur. Au moment où nous rentrons dans le dojo, nous devons laisser de côté tous nos préjugés, nos peur et notre égo et nous immerger pleinement dans la pratique.

En pratiquant de manière identique avec des maîtres plus forts, des pratiquants plus âgés et plus jeunes, toute l’expérience peut se transmettre dans la pratique du sabre de façon naturelle.

On peut étudier et améliorer le seme en grande partie en recherchant de telles opportunités. Durant des siècles, le kendo a préservé ses méthodes d’attaques par la pratique et non par les mots. Chaque pratiquant assimile de manière personnelle ces méthodes, en se basant sur sa propre personnalité et ses capacités.

Bien évidemment, différentes situations d’attaque peuvent être codifiées. Par exemple, une méthode peut s’appliquer même dans des clubs étrangers où il n’y a pas d’opportunité de pratiquer avec des kendokas de haut niveau. Toutefois, la rechercher d’opportunités de se confronter à des pratiquants expérimentés a une plus grande efficacité au niveau de la progression. Pour beaucoup d’entre nous, cela se traduit par des dépenses et des sacrifices.

Les débutants devraient essayer d’attaquer sans cesse, et ne devraient pas se soucier du nombre de frappes qu’ils subissent. Ils doivent apprendre à supporter de faire des erreurs et apprendre de celles-ci.

Si vous pratiquez beaucoup d’uchikomi geiko et de karakigeiko, au fil des années, l’expérience va se construire, ce qui va renforcer à la fois le corps et l’esprit. Vous développerez votre perception et l’appréhension des situations de combat, et votre seme n’en sera que plus efficace.

En me basant sur mon expérience personnelle, plus on réalise de mouvements affinés, plus nous sommes conscients de la distance, et de nos capacités, et plus vite nous serons en mesure de voir à travers l’adversaire. Ainsi, nous pourrons réaliser quelle est la méthode appropriée à utiliser contre lui.

Je pense qu’il est important de mettre en place et de suivre la tradition correspondant à cette méthode d’apprentissage et de transmission de l’expérience. Pour cette raison, toutes les opportunités de combattre contre d’autres pratiquants et de partager nos expériences devraient être saisies.

6- Vision – Metsuke

Miyamoto Musashi distingue deux types de vision dans son oeuvre Go Rin No Sho (Livre des 5 éléments) : ken no me et  kan no me.

Ken no me signifie littéralement voir avec les yeux. Kan no me signifie voir dans l’esprit et le coeur de l’adversaire, la sensation et l’harmonisation.

L’adversaire devrait être observé avec une vision claire et élargie. Au travers des deux méthodes de kan et ken, voir avec le coeur fortement, voir avec les yeux faiblement. Les choses proches devraient être observées comme si elles étaient éloignées, et les choses éloignées comme si elles étaient proches. C’est l’un des principes les plus importants de la voie de la stratégie. “ (Miyamoto Musahi, Go Rin No Sho, Livre de l’eau).

Bien sûr, si beaucoup de choses ne sont pas encore connues et si l’interprétation du pratiquant n’est pas très élaborée, celui-ci ne sera capable que de se focaliser sur les petits détails et seule une petite partie de l’ensemble pourra être traitée. Au début si l’on attaque kote, on a tendance à observer le bras de l’adversaire — quelque chose qu’un sabreur plus expérimenté pourra déceler immédiatement. Au fil du temps et des pratiques répétées avec d’autres sabreurs, nos sens deviennent plus affinés et vifs.

Nous devons diriger notre regard vers les yeux de notre adversaire, le voir avec une perspective large — comme si l’on regardait une montagne au loin — et sentir le mouvement dans sa globalité. Les expériences passées peuvent nous aider à décider dans une situation précise s’il faut attaquer ou non, ce qui représente une opportunité et ce qui n’en représente pas une. A mon avis, les kendokas de haut niveau sont capables de sentir l’adversaire en un clin d’oeil et réaliser une frappe en utilisant cette capacité.

Enzan no metsuke — La méthode de la vision d’une montage distante : l’adversaire est observé de telle manière que son visage est plus ou moins dans le champ de vision mais tout le corps est visible. On ne doit se concentrer spécifiquement sur aucune des parties de son corps. Il doit être observé comme s’il était une montage au loin et son kamae entier doit devenir visible. Est-il en harmonie ou existe-t-il une cassure dans son bouclier, ou une inattention dans sa défense ? L’oeil qui peut voir cela devrait être développé et entraîné.

Je vous encourage à pratiquer et faire des erreurs, de manière à pouvoir apprendre et vous construire !

Tóth Balázs, traduit par Roland Haroutiounian (source : Heihó Online Magazine April 2018)


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