Les 7 et 8 octobre 2017, le dojo Fudokan était représenté à l’Akimatsuri (fête de l’Automne) organisé par le Consulat Général du Japon à Marseille, dans le magnifique cadre du Jardin botanique du Parc Borély. Nous y avons réalisé des démonstrations de Kendo. Et voici une sélection de photos de l’évènement.
(Texte original : http://kenshi247.net/blog/2011/03/25/i-am-a-deshi/, traduit de l’anglais par Roland Haroutiounian)
Même si le Japonais n’est pas notre langue première, nous utilisons couramment dans le domaine du Kendo le terme japonais « sensei » dans le sens de professeur. Qu’en est-il de la deuxième moitié de l’équation, l’élève ? Je n’ai pas souvenir d’un quelconque terme japonais utilisé dans la dizaine de pays et plus dans lesquels que j’ai eu la chance de pratiquer le kendo.
Traditionnellement, quand quelqu’un rejoint un dojo, il existe deux termes utilisés pour exprimer la notion d’ »élève » : monkasei (門下生) et deshi (弟子). Il en existe d’autres (ex: 門弟 ou 門人) mais on utilise principalement ces deux-là. A moins de faire partie d’un dojo koryu, ou de lire et regarder un animé/manga, vous ne croiserez probablement jamais le premier terme. Le second, en revanche, est toujours utilisé — certes peu fréquemment — de nos jours dans la communauté japonaise du kendo.
Comme les lecteurs réguliers le savent peut-être, je dirige un club de kendo dans un lycée d’Osaka. Quand j’ai commencé à enseigner, mon sensei s’est tourné vers moi et a dit :
“お前も弟子がおるぞ” ( = “Maintenant tu as tes propres deshi”)
Cela a un peu coupé mon élan : « deshi … Que dois-je faire ? », ai-je pensé.
Plutôt que de tenter d’expliquer la signification de « deshi » par moi-même, permettez-moi de traduire un texte d’une kenshi de 13 ans originaire de Kyushu.
PS : Vous pouvez aussi consulter l’article suivant : http://kenshi247.net/blog/2008/07/30/the-same-path/ après avoir lu le texte ci-dessous.
L’essai qui suit a reçu le prix kantosho dans la section « collège » lors du « 32e séminaire de recherche sur le kendo et la jeunesse ».
« Je suis un deshi »
Ecrit par : Hasuda Tomoka, Elève de première année au collège (approximativement 13 ans), Préfecture de Miyazaki, Miyazaki city, dojo Syujakukan (http://www.syujakukan.com/)
Tout d’un coup, après un keiko mon sensei m’a dit « tu es mon deshi« . J’étais surprise de la spontanéité de ces propos, mais j’étais également contente qu’il m’ait appelée « deshi« . Toutefois, je me suis sentie bizarre. C’était parce que je ne comprenais pas réellement le terme « deshi » ou ce que cela signifiait d’en être un. J’ai réfléchi longuement à propos de la signification du mot et j’ai recherché de l’information à ce propos dans des livres et des dictionnaires. J’ai découvert que « deshi » est une partie de la relation « professeur-élève » (師弟の関係). D’un côté nous avons le professeur — quelqu’un avec des qualités techniques et un savoir cultivés par l’expérience — qui transmet cela par l’enseignement; et de l’autre côté nous avons le deshi, qui apprend du professeur et étudie sous la direction de celui-ci. Dans le cadre du dojo, les senseis sont les professeurs, et nous sommes les deshis.
Alors, quel est le rôle du deshi ? Qu’est-ce qu’un deshi est censé faire ?
Un deshi a plusieurs rôles à apprendre, dont le fait de saluer le sensei quand il arrive au dojo et quand il le quitte (shiai), faire les courses nécessaires (pour le dojo et/ou le sensei), prendre soin de différentes choses autour du sensei (en rapport avec le dojo), etc … En kendo, par exemple, ranger convenablement le bogu du sensei et s’assurer de son confort sont des facettes du travail du deshi.
J’ai commencé à apporter du thé au sensei après le keiko quand j’étais en dernière année de l’école primaire (11/12 ans). Cela a commencé quand mon sensei m’a demandé de lui apporter du thé, et maintenant c’est devenu naturel. Pendant ce court laps de temps, le sensei me félicite ou pointe des points négatifs à corriger.
Nous parlons également de choses en dehors du kendo. Ce que sont mes projets pour le futur, ce qui se passe à l’école, le taikai auquel mon sensei va se rendre, le changement des saisons, etc … Ce sont des conversations qui ont beaucoup de valeurs pour moi. Quand des visiteurs viennent au keiko, je leur apporte également du thé. Dans ces moments-là, il m’est demandé de m’assoir dans le coin et d’écouter les conversations (entre les adultes). Je ne comprenais pas vraiment ce qui se disait mais mon sensei m’a dit plus tard : « même si tu ne comprends pas ce qui se dit, même si tu ne prend pas part à la discussion, écouter les histoires et les conversations d’autres personnes est important. Il arrivera un jour où tu comprendras« . Quand il m’a dit ça, j’ai réfléchi sur la chance que j’avais d’écouter ces conversations et que c’était quelque chose de très différent par rapport à ma vie courante, et j’ai considéré ces discussions sous un angle nouveau.
Une autre chose qui a attiré mon attention est que mon sensei part en voiture (après le keiko). Quand je l’accompagne pour le saluer, j’attend que sa voiture ne soit plus dans mon champs de vision avant de prendre la route. J’ai appris à faire cela en regardant comment la brigade anti-émeute de la police traite ses senseis.
En continuant à être un deshi de ce type j’ai appris quelques bonnes choses, par exemple : comment utiliser un langage propre (apprendre à être polie en Japonais, etc …) et comment être sensible aux nuances dans les conversations des personnes, et maintenant je suis à l’aise quand je dois m’adresser à des personnes qui me sont supérieures (par le grade, l’age, la profession, etc …). Il y a également d’autres choses, par exemple je suis capable de penser et de prévoir ce que mon sensei va dire/vouloir, et je suis déjà en action avant qu’il n’ait parlé.
Un jour, mon sensei m’a dit que le deshi a des responsabilités. Je n’ai pas réellement compris ce qu’elles pouvaient être et j’ai réfléchi à cela. Je pense que la responsabilité/rôle du deshi est de conserver ce qui lui est enseigné par ses senseis et d’agir dans ces limites, puis de transmettre cela à ses kohai. Je n’ai toujours pas la capacité à faire cela, donc en attendant je vais faire le maximum lors des keikos, et avoir pour objectif de devenir un bon sempai dans le futur.
Au début je ne savais pas vraiment ce que cela signifiait d’être un « deshi« , mais grâce à tout ce que m’a enseigné mon sensei, je pense que j’approche de la compréhension du véritable sens. Depuis que je suis devenue un deshi, mon sensei m’a réprimandé souvent, mais comme il n’y a pas beaucoup de personnes pour me gronder, je suis reconnaissante qu’il soit là, parce que je sais que c’est pour mon bien.
A partir de maintenant, par le kendo et en tant que deshi/personne, je veux continuer à apprendre sur la vie.
Source : 剣道時代2011年4月。「私は弟子です」。蓮田和佳。
Traduit de l’anglais par Roland Haroutiounian à partir du texte original de Geoff Salmon sur le site Kendoinfo.net.
L’auteur répond ici à une question :
« Helton demande la différence entre kigamae et zanshin. Cette question mérite une réponse un peu développée. Dans le Japonais courant, Kigamae représente une disposition mentale ou une approche. Selon le dictionnaire Japonais-Anglais du Kendo de l’AJKF, la signification du kigamae est « l’état dans lequel la totalité du corps du pratiquant est en alerte et prêt à réagir aux mouvements du corps et de l’esprit de l’opposant qui précèdent une attaque ». En effet, il s’agit d’une « posture mentale », un état de conscience dans lequel on est focalisé sur l’opposant. Le point important du kigamae est l’anticipation du mouvement de l’opposant par la disponibilité à attaquer. L’explication la plus basique dans le kendo de la signification du zanshin est « un état de conscience après l’attaque ». Le concept de zanshin est toutefois bien plus complexe. Dans le Zen, zanshin signifie un suivi complet vers la finalité de l’action, ne laissant aucune trace. Zanshin signifie « l’esprit qui reste » et aussi « l’esprit sans reste ». Cette dichotomie est aussi reprise par les explications que j’ai pu entendre à propos du nokori, le souffle restant après une attaque et le kiai. A la fois pour le souffle et pour la conscience, la thèse est qu’ils restent et qu’ils ne restent pas. Zanshin et nokori sont étroitement liés. Un flux typique du tobikomi men serait transcriptible par :
- Respirer
- maintenir le souffle
- faire le kakegoe, expirer une partie du souffle retenu
- avancer en conservant le souffle
- continuer à garder le souffle de manière contrôlée
- se lancer à partir du pied arrière et frapper le men en un seul temps, expirant le reste de son souffle
- se déplacer vers une distance de sécurité
- se retourner et faire face à son opposant en chudan no kamae tout en conservant sa respiration, étant alors prêt à attaquer à nouveau.
En termes pratiques, le zanshin est la conscience continue de son opposant après avoir attaqué. Vous devriez être dans une position vous permettant d’attaquer à nouveau instantanément si il (ou elle) fait un mouvement vers vous. J’imagine que ce serait encore plus évident pour les pratiquants de Iai où le zanshin est matérialisé par le regard intense après avoir délivré la coupe finale. Au risque d’exposer ici mon ignorance, j’ai l’impression que même au moment de rengainer le sabre dans la saya, le geste est réalisé avec l’idée d’être capable de couper à nouveau si les circonstances l’exigent. Pour résumer — kigamae est l’état où l’on est prêt à le faire avant de le faire. Zanshin est l’état où l’on est prêt à le refaire après l’avoir fait. «
(traduit de l’anglais par Roland H)
La signification du Tanren : au-delà d’un entrainement
Entraînons-nous durement ! La pratique commence dès le suburi avec un kiai puissant. Tous les pratiquants sont remplis d’une énergie positive. Mais quelque chose manque … quelque chose de réellement important … C’est le sens de TANREN.
Tanren est généralement traduit par le terme « entraînement » mais il représente plus que ça. Pour en comprendre réellement le sens, je souhaiterais diviser le mot en deux parties : le « tan » et le « ren« .
- Tan signifie … « Améliorer la qualité du métal en frappant dessus du haut vers le bas »
- Ren signifie … « Améliorer la qualité du métal en le fusionnant et en le nettoyant de ses impuretés »
De Kanjigen, 5e révision. Traduit par MASHIRO IMAFUJI.
Ils signifient tous deux l’amélioration de la qualité du métal au travers du processus de fusion, de la séparation des impuretés et des coups répétés. Cela vous rappelle-t-il quelque chose ?
Katana
Croyez-vous que le katana peut-être facilement fabriqué ? Tout d’abord il requiert un matériau de qualité. Puis il faut passer par de multiples étapes et l’ensemble du processus est réalisé par des artisans (Cliquer sur ce lien pour une explication du processus de forge d’un katana : http://www.pbs.org/wgbh/nova/samurai/swor-nf.html).
Tanren est un processus d’auto-amélioration.
En premier lieu, nous devons nous purifier. Qu’est-ce que cela signifie ?
Cela signifie que nous devons supprimer nos propres théories sur ce que le kendo devrait être. Quand vous apprenez quelque chose, vous devez écouter le professeur. Mais si vous êtes déjà remplis d’informations que vous avez aléatoirement obtenues d’autres sources, alors vous ne pouvez pas apprendre de votre professeur. Quel que soit la valeur de ce-dernier, vous ne pourrez simplement pas l’écouter.
Prenez soin de vous débarrasser des substances impures en vous. Bien que vous devriez pouvoir réaliser quelle est l’information véritable, il faut en premier lieu partir du principe que votre professeur est un très bon professeur et que l’on obtient l’information véritable de sa part.
Puis, une fois que vous recevez son enseignement, vous devez vous efforcer de comprendre et pratiquer ce que vous apprenez. On appelle cela « neru« , ce qui signifie « pétrir ». Le kanji chinois pour ren peut être également similaire au kanji pour « neru« .
En pétrissant la pâte, on espère que ce que l’on prépare aura meilleur goût. C’est exactement la même chose pour le kendo. On répète sans cesse ce que l’on a appris auparavant pour l’améliorer. Et dans le même temps, on doit régler les détails pour l’améliorer encore plus. C’est une étape que l’on ne peut sauter.
Nous devons battre le métal tant qu’il est chaud et le plier en deux, puis le frapper encore et encore. C’est également la méthode de fabrication d’un katana. En répétant toujours le même processus nous améliorons la qualité.
Le seul fait de répéter la même chose encore et encore ne va pas nous améliorer. Nous devons faire un grand effort de réflexion pour nous améliorer à travers le kendo, de la même manière que les artisans qui fabriquent le katana. Chaque fois qu’ils frappent le métal avec un marteau, ils doivent ajuster leur force, leur timing, les angles, etc … Ils ne frappent pas sans réfléchir.
Ce processus dans son ensemble est appelé « Tanren« . Notre but doit être de nous améliorer physiquement et mentalement à travers le tanren du kendo.
Kendo World 6.2 (Kendo World Volume 6) (Alexander Bennett) – traduit de l’anglais par Roland Haroutiounian.
Ecrit par Robert D. Stroud , 10 avril 2005, pour compléter la section écrite des exigences de l’examen pour le rang de 7e dan de kendo. Dans cet article, le concept de san-satsu-hō (san-sappō) va être expliqué, suivi du mittsu-no-sen, et enfin la façon dont ces deux concepts peuvent être liés et utilisés dans le keiko.